Le positionnement éthique du psychothérapeute


Le positionnement éthique du psychothérapeute

Les psychothérapies qui fleurissent aujourd’hui sont conformes à l’époque : capitalisme, rentabilité, rapidité. Aussi, beaucoup vont appâter le chaland avec le slogan : « Thérapie brève ».

Or, il est impossible de deviner la durée d’une psychothérapie, qui dépend du sujet et de sa problématique. Les TCC par exemple – thérapies comportementales et cognitives - peuvent être efficaces pour résorber certains symptômes qui ne réclament pas un travail de fond. Elles peuvent aussi accompagner ponctuellement un travail de fond. Mais elles ne sauraient s’y substituer. Faire taire un symptôme, ou changer un comportement sans en comprendre le sens et la fonction dans l’économie psychique du sujet, c’est être assuré de voir surgir à côté un autre symptôme ou un autre comportement, tout aussi gênants. C’est comme une plante qui se développe en rhizomes : si vous arrachez une pousse, une autre sortira plus loin, peut-être plus vivace et envahissante encore.

Il appartient à chaque psychothérapeute de penser sa position en terme d’éthique : à la fois convictions et responsabilités. En effet, il y a des choses que j’ai la conviction de devoir faire ou de ne devoir pas faire, et je suis responsable, en premier lieu de la santé psychique du sujet qui s’adresse à moi et en second lieu, de la respectabilité de ma profession.

Cette éthique dépend donc du socle théorique du thérapeute. Le mien est la psychanalyse. C’est sur ce socle que je pense ma position de psychothérapeute et à partir de ce socle que je vois et que j’entends le sujet qui s’adresse à moi. Je pratique donc une psychothérapie d'orientation psychanalytique, dont les fondements sont radicalement différents de ceux des autres formes de psychothérapie.

Cela veut dire d’abord que je reçois un homme et pas une machine à programmer ou reprogrammer, conditionner ou reconditionner, régler lorsqu’elle est déréglée.

Cela veut dire aussi que je reçois un sujet auquel il faut rendre sa liberté et son autonomie ; il est hors de question de « coacher ». Cette expression sportivo-manageriale est très dangereuse. Les choix d’un sujet, son comportement, sa vie, ont un sens. Ce sens est aussi porté par un discours. Être à l’écoute du sujet est plus compliqué que d’appliquer un protocole : tel protocole en cas de grippe, tel protocole en cas de phobie. Et le sujet là-dedans ?

Le sujet arrive avec une demande : le plus souvent faire cesser une souffrance et la comprendre. Il faut entendre la demande mais pour la comprendre il faut aussi cerner la problématique. Parfois, la demande n’est que l’arbre qui cache la forêt. La psychothérapie devra osciller alors entre le fond et la surface : résoudre le problème, sans ignorer la demande. Cela peut être assez bref, mais il est impossible de le prédire. La durée d’une cure dépend du sujet et du temps dont il aura besoin.

Par ailleurs, même si la profusion des "offres" fait entrer la psychothérapie dans le domaine des « prestation » de service, pour ma part, je le récuse totalement. L’éthique du psychothérapeute d’orientation psychanalytique est celle du soin.

Enfin, au soin, il faut ajouter la vérité. Vérité du sujet, et non vérité « révélée » ou vérité scientifique du style 2 + 2 = 4. Pour le sujet ça peut faire 5 et il s’agit de comprendre pourquoi et comment. Dans un travail psychothérapeutique, il s’agit bien de comprendre un peu ce qui nous arrive. Chez le garagiste, on est content de récupérer une voiture qui roule, sans trop chercher à comprendre pourquoi elle était en panne. Chez le psychothérapeute, on est content de redémarrer, mais on veut aussi un peu comprendre pourquoi on était en panne, et le comprendre aide au redémarrage.

 

Donald Woods WINNICOTT, pédiatre et psychanalyste anglais (1896-1971), l'un des psychothérapeutes les plus créatifs dans son travail avec les enfants.

Wilfred BION, l'un des psychiatres et psychanalystes anglais ( 1897-1979) qui permet le mieux de comprendre la construction psychique de l'homme.